Tribu Énergie se présente comme un bureau d’études « Énergie et développement du-rable ». Pouvez-vous nous en dire plus sur son champ d’intervention ?
Nathalie Tchang Nous intervenons en tant qu’assistant à maîtrise d’ouvrage ou en tant que maître d’œuvre dans la conception de bâtiments et de zones urbaines plus économes en énergie et respectueuses de démarches environnemen-tales globales. Notre expertise s’applique aussi bien au neuf qu’à la rénovation, aux logements, au tertiaire, à l’industrie ou aux équipements. Cet accompagnement couvre un large spectre de missions allant des calculs énergétiques à la définition de stratégies complexes pour les industriels ou les collectivités.
Nous mettons particulièrement l’accent sur l’inno-vation technologique. Ce positionnement nous permet, entre autres, de travailler aux côtés des pouvoirs publics pour la mise en place de diffé-rents dispositifs réglementaires liés aux problé-matiques énergétiques des bâtiments (RT 2005 et 2012, DPE, labels, réglementation dans les bâtiments existants, éco-prêts…). Tribu Énergie a notamment participé au développement d’outils et de méthodes de calcul qui font aujourd’hui réfé-rence. On peut citer par exemple la méthode DPE pour le diagnostic de performance énergétique.
Avec l’entrée en vigueur de la RT 2012, le traitement de l’enveloppe des bâtiments, et particulièrement des façades, est considéré comme l’une des solutions permettant à l’ouvrage d’atteindre les performances énergétiques exigées. Comment maîtres d’œuvre et architectes abordent-ils cette problématique ?
La RT 2012 a changé radicalement les pra-tiques constructives dans le neuf. Quatre grandes typologies de solutions sont aujourd’hui dispo-nibles : l’isolation par l’intérieur avec rupteur de ponts thermiques ou béton isolant, les maçonne-ries avec planelles isolantes, les façades légères en bois ou en métal et bien sûr l’isolation par l’exté-rieur. Chaque solution a ses avantages et ses in-convénients et les maîtres d’ouvrage et architectes se sentent parfois un peu perdus face à cette diver-sité de l’offre. En effet, la thermique ne représente qu’une partie des exigences à respecter. Les perfor-mances acoustiques, sismiques, de résistance au feu mais aussi de prix sont tout aussi importantes.
Que leur conseillez-vous ?
N .T. Nous leur proposons de réaliser très en amont une étude de faisabilité des différentes solutions techniques constructives sous un aspect « tous corps d’état ». La gestion de l’enveloppe du bâti-ment doit être globale et inclure l’ensemble des acteurs de l’équipe de maîtrise d’œuvre pour dé-finir quel système sera le plus adapté selon l’usage de l’ouvrage (maisons, logements collectifs, bu-reaux…) et son architecture (nombre d’étages, présence de balcons…) en y intégrant l’ensemble des exigences réglementaires et pas seulement thermiques. Par exemple, le recours à des rup-teurs de ponts thermiques est parfois incompatible avec la problématique sismique.
« La thermique ne représente qu’une partie des exigences à respecter. Les performances acoustiques, sismiques, de résistance au feu mais aussi de prix sont tout aussi importantes. »
Quant à l’isola-tion thermique par l’extérieur, c’est une excellente solution pour les immeubles de logements collec-tifs au-delà du R+2 et avec peu de balcons. Pour des immeubles inférieurs au R+2, elle est moins justifiée.
En partie car elle participe au res-pect du garde-fou sur la valeur du pont thermique de plancher intermédiaire introduit dans la RT 2012…
En effet. La réglementation thermique im-pose que cette valeur Ψ9 ne soit pas supérieure à 0,6 W/m.K. Or la valeur pour un mur/plancher bé-ton isolé par l’intérieur est de 0,99. Avec un béton isolant, on passe aux alentours de 0,6. Avec une solution avec isolation par l’intérieur et rupteur de ponts thermiques, on descend à 0,3. L’ITE fait tom-ber la valeur à 0,2. Avec une réserve néanmoins en cas de présence de balcons qui crée un pont ther-mique. Si celui-ci n’est pas traité correctement, on repasse à 0,99.
Concernant le Cepmax, tout dépend de l’énergie utilisée dans le bâtiment. Contrairement au gaz, si on est en chauffage électrique, l’ITE devient presque une condition sine qua none pour remplir cet objectif.
Qu’en est-il de l’étanchéité à l’air des bâtiments ?
Il s’agit là d’une problématique majeure dont la RT 2012 a permis de prendre pleinement conscience. Les bâtiments résidentiels ont une obligation de résultat. Les tests de mesure réalisés à la livraison de logements collectifs sont d’ailleurs obligatoires. L’erreur n’est donc pas possible, d’où la nécessité d’anticiper ces exigences dès l’amont du projet. Une ITE sur voile béton est très efficace, beaucoup moins sur des systèmes à ossature si la mise en œuvre n’est pas très soignée et les opéra-teurs bien formés. Dans tous les cas, il faut rester vigilant dans le traitement des coffres de volets roulants, des jonctions avec menuiserie/maçonne-rie… qui sont susceptibles de créer des désordres.
Les épaisseurs d’isolant ne cessent de croître ces dernières années. Pensez-vous que cette tendance va se poursuivre ?
Tout dépend du niveau visé. Il est important de comprendre que pour un projet résidentiel en chauffage / ECS électrique, il est nécessaire d’avoir une excellente performance énergétique de l’enve-loppe. En cause : les pointes de consommation no-tamment hivernales qui font passer la production d’électricité des centrales nucléaires aux centrales thermiques très polluantes et qui génèrent beau-coup de pertes. Une forte isolation permet, quand la température de confort est atteinte, de mainte-nir la chaleur dans les pièces et donc de couper le chauffage et ainsi d’écréter les « pointes ». Aujourd’hui, selon l’usage, la zone climatique, l’énergie de chauffage et le type d’isolant utilisé, les épaisseurs varient de 80 mm à 140 mm pour un projet RT 2012. Pour un ouvrage Bepos, il est même possible d’atteindre 200 mm.
L’arrivée de nouveaux labels, notamment pour les bâtiments à énergie positive, va-t-il encore faire évoluer certaines dispositions constructives en façade ?
À ce jour, il n’y a pas encore de label d’État portant sur la performance énergétique, uni-quement des labels volontaires : Effinergie + et Bepos-Effinergie +. Cela ne les empêche pas d’être de plus en plus plébiscités par les maîtres d’ouvrage et les collectivités qui souhaitent aller au-delà du niveau réglementaire. Les dispositions constructives connues et appliquées aujourd’hui permettent de les atteindre dans la majorité des projets. L’avenir incitera probablement à prendre en compte l’énergie grise dans le cadre de labels environnementaux, comme l’a proposé l’ancienne ministre du logement Cécile Duflot. L’impact envi-ronnemental pourrait alors devenir un critère de sélection supplémentaire du système constructif.