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Encore limitée aux projets emblématiques, la mise en œuvre de procédés de production d'énergie en façade pourrait bénéficier de la RE 2020 pour se développer. Les industriels proposent une offre de plus en plus variée qui utilise le soleil pour produire de l'électricité, de l'eau chaude sanitaire ou encore chauffer l'air intérieur.

Accroître le potentiel de production d'énergie de l'enveloppe du bâtiment. Tel sera l'enjeu pour les acteurs de la construction d'ici 2020, afin de répondre aux exigences de la future Réglementation environnementale (RE). Cette dernière devrait en effet valider, dans le neuf, la généralisation des bâtiments à énergie positive (Bepos). Ce qui signifie concrètement qu'ils devront produire plus d'énergie qu'ils n'en consomment pour leur fonctionnement. Contrairement aux exigences de la RT 2012, une forte isolation associée à des équipements de ventilation ou de climatisation performants ne suffira plus. Le recours à une source de production d'énergie renouvelable deviendra un passage obligé. L'idée n'est pas nouvelle comme le montre le recours de plus en plus fréquent à la mise en œuvre de panneaux photovoltaïques en toiture. Pour autant, il semble que leur production restera encore souvent insuffisante pour répondre aux exigences d'un bâtiment Bepos.

Le lancement en 2013 par l'association Effinergie du label Bepos Effinergie (qui impose déjà la production d'énergie renouvelable) puis celui de l'expérimentation E+C- en 2016 ont permis d'évaluer l'efficacité de différentes solutions constructives pour atteindre les niveaux exigés. TBC Innovations, société de conseil et d'études spécialisée dans l'innovation pour le bâtiment, a publié en juin 2017, l'analyse d'un cas d'étude en maison individuelle. Il en ressort que pour obtenir un bilan Bepos nul, conforme à la définition d'un bâtiment à énergie positive, l'ouvrage doit intégrer, en toiture, une surface de 52 m² de panneaux photovoltaïques orientés vers le sud. Mais, comme le précisent les auteurs du document, « cette surface est supérieure aux 30 m² disponibles sur la pente sud de la toiture ». Cette problématique serait assez fréquente. Pour Carlos Piles, directeur Europe de Ductal (béton fibré à ultra-hautes performances BFUP), technologie du groupe LafargeHolcim, « la production d'électricité de panneaux photovoltaïques installés en toiture reste limitée par des surfaces souvent insuffisantes par rapport aux consommations. Or, l'enveloppe d'un bâtiment offre d'autres opportunités pour la production d'énergie encore pas ou peu exploitées : les façades ».

UNE OFFRE DE PLUS EN PLUS VARIÉE

Sur quelles solutions peuvent alors compter les professionnels pour permettre à ces façades de participer à cette production ? En matière de procédés disponibles, les panneaux photovoltaïques fixés sur une ossature liaisonnée au support restent la solution la plus connue, notamment grâce à des complexes pour toiture déjà éprouvés et validés. Des bâtiments emblématiques récents les affichent fièrement comme le Palais de justice de Paris (Renzo Piano Building Workshop), la Seine musicale sur l'Île Séguin (Shigeru Ban et Jean de Gastines) à Boulogne Billancourt (92) ou la métropole Rouen-Normandie (Jacques Ferrier). Une belle vitrine pour ces enveloppes dites « actives » à qui l'on reproche souvent leur manque d'esthétisme.

Pour séduire les architectes, les fabricants élargissent leurs offres. Certains, comme Solarcentury, proposent des panneaux verticaux ou à redents, donc mieux exposés au soleil. « Nous avons développé un module composé de 32 cellules au lieu des 60 habituelles qui permet au panneau d'être plus transparent tout en conservant des performances encore satisfaisantes », explique quant à lui David Vauchel directeur technique pour le fabricant de modules photovoltaïques CS Wismar. L'entreprise Sunpartner technologies produit un système à base de cellules CIGS baptisé Wysips Caméléon (cuivre, indium, galium et sélénium déposés en couches successives sur un substrat verrier) qui se décline en une douzaine de coloris différents. Les reproductions de dessins et de photos sont également possibles. « L'arrivée de produits colorés va sûrement jouer en faveur du développement de ces procédés, tout comme l'autoconsommation car aujourd'hui la question du rachat de l'électricité par un fournisseur d'énergie n'est pas toujours évidente », explique Cyril Trétout, architecte au sein de l'agence ANMA.

CHAUFFAGE DE L'AIR ET DE L'EAU

Le photovoltaïque n'est pas seul sur le marché. D'autres solutions proposent non pas de produire de l'électricité mais de se substituer au système de chauffage de l'air ou de l'eau (voir encadrés) . « Le choix du procédé dépend des consommations effectives des ouvrages, explique Cyril Trétout. Par exemple, dans un bâtiment de logements, l'eau chaude sanitaire peut constituer un poste de consommation plus important que l'électricité. C'est le cas pour la maison de l'Île-de-France à Paris qui accueille des étudiants et des chercheurs étrangers. Nous avons donc privilégié la mise en œuvre d'un système qui s'apparenterait à un grand chauffe-eau en façades. » Pour les ouvrages nécessitant de fortes consommations de chauffage, un procédé de traitement d'air par ventilation des locaux comme SolarWall (développé par SolarWall Europe SARL en partenariat avec ArcelorMittal) peut également être intéressant. Le principe : l'injection dans le bâtiment d'un air extérieur préalablement préchauffé dans la lame d'air d'un bardage en acier microperforé.

« Aujourd'hui, l'installation de ces systèmes en façade relève presque systématiquement de l'expérimentation , souligne Cyril Trétout. Des techniques courantes sont détournées de leur usage premier pour créer des bâtiments prototypes. » Résultat, les Avis techniques se font rares dans le secteur. Seul SolarWall dispose du sien depuis 2010, mis à jour en juin 2017. Celui du Ductal/Heliatek (parement en BFUP intégrant un film photovoltaïque, voir encadré ) est en cours. Sinon, la validation se fait au cas par cas, grâce à la procédure de l'Atex ou par validation du bureau de contrôle. Proches dans leur conception des systèmes classiques de bardage rapporté ventilé, leur mise en œuvre est confiée à des entreprises de bardage, en charge du lot façade. Ils sont, pour la plupart d'entre eux, compatibles avec une isolation thermique par l'extérieur et peuvent être posés sur tout type de support : béton, acier et bois, dans le neuf comme en rénovation.

CONTRAINTES À PRÉVOIR

Pour définir les besoins du bâtiment et garantir un rendement maximum des systèmes, une étude préalable complète s'avère indispensable. Le bilan énergétique du bâtiment permet de choisir quel procédé privilégier. L'analyse de son orientation, de sa surface et de sa localisation géographique permet d'affiner le choix du produit ainsi que son implantation sur la façade. Une opération qui doit être effectuée le plus en amont possible du projet. « Il faut une adhésion totale de tous les acteurs, de la maîtrise d'ouvrage et de la maîtrise d'œuvre mais également des entreprises. Chacun doit disposer des mêmes niveaux d'information et les intégrer dans ses travaux. On évite ainsi les incompréhensions et les erreurs qui peuvent porter préjudice au projet », précise Myriem Guedouar, chef de projet pour le bureau d'études VS-A. Chez SolarWall Europe SARL, chaque projet fait l'objet d'une étude de faisabilité en fonction du type d'ouvrage, de ses besoins, de l'environnement, de l'orientation. « À partir de ces éléments, nous dimensionnons le système, tant en termes de surface que d'épaisseur de la lame d'air », précise Ross Casey, directeur de l'ingénierie chez Conserval Engineering, société mère de SolarWall Europe SARL.

Les orientations optimales sont logiquement le sud, l'ouest et parfois l'est. L'intensité du rayonnement solaire sur la paroi, notamment si elle présente des ombres portées, doit également être prise en compte. Pour la pose d'un bardage photovoltaïque par exemple, « lorsque l'ensoleillement est limité, il faut privilégier des produits fonctionnant en lumière diffuse pour obtenir des résultats satisfaisants », souligne Myriem Guedouar. La couleur joue également. « Plus il est foncé, plus le panneau sera productif », explique Laurent Petit, directeur des ventes et du marketing de l'activité bâtiment de Sunpartner technologies. Les modules du fabricant affichent une puissance variant de 70 à 120 W crête par m² selon la teinte. Le système de chauffage de l'air SolarWall, lui, affiche sur le papier un apport variant de 1,5 à 3,5 GJ/m² d'énergie par an. « Au cours d'une journée ensoleillée, la température dans le système peut faire augmenter la température de l'air entre 5°C et 40°C selon le débit. L'air de ventilation peut représenter jusqu'à 50 % des besoins de chauffage d'un bâtiment », explique le site internet dédié au produit.

LE BÂTIMENT : UN OUVRAGE À CONSIDÉRER DANS SA GLOBALITÉ

Ces performances ne sont certes pas suffisantes pour conduire seules le bâtiment vers un équilibre consommation / production. Les procédés photovoltaïques posés verticalement par exemple, sont moins efficaces que leurs cousins de toiture car ils sont moins bien exposés au rayonnement solaire. Une façade « active » constitue néanmoins une source d'énergie non négligeable qui vient en complément d'autres équipements. Ainsi, la labellisation Bepos de la maison de l'Île-de-France tient à son système de chauffe-eau solaire mais également aux 563 m² de panneaux photovoltaïques en toiture, à un éclairage aux LED, une épaisseur cumulée de 40 cm d'isolant en façade, des vitrages respirants et une ventilation double flux. Prise individuellement, aucune de ces dispositions constructives n'aurait été suffisante pour atteindre les niveaux exigés.

Encore peu connus à ce jour, ces procédés devraient être promis à un bel avenir. En tous cas, les industriels du secteur y croient. « Si le marché reste encore confidentiel, ses perspectives de développement sont encourageantes », constate David Vauchel. Pour preuve, la France sera le pays de lancement de la solution de films photovoltaïques intégrés à un parement de bardage en BFUP, développée par LafargeHolcim, via sa filiale Ductal, et le fabricant de films photovoltaïques Heliatek (voir encadré). Une mise sur le marché prévue pour l'été 2019, en lien direct avec l'arrivée imminente de la Réglementation environnementale.