LE CONTEXTE
Christel Jimenez, directrice innovations chez TBC Innovations, est en charge de l'orchestration de l'activité innovation de la structure.
Elle pilote les missions de conseil technique et les projets R&D pour les industriels du bâtiment et les acteurs de la construction.
Ingénieure diplômée de l'INSA de Toulouse et docteur en physique, elle a passé cinq ans à la R&D de Terreal avant d'intégrer TBC Innovations en 2009.
Quelles tendances suit le marché de l'isolation par l'extérieur (ITE) depuis 10 ans ?
Trois périodes se distinguent. La première correspond aux années 2009-2013 et se caractérise par une forte croissance. Les superficies d'isolant mis en œuvre par l'extérieur ont presque triplé pendant ces quatre ans. Entre 2014 et 2015, la progression du marché s'est ralentie et a même légèrement décru pour repartir à la hausse dès 2016. Les chiffres de 2017 confirment cette reprise avec près de 20 millions de m² d'ITE posés toutes techniques confondues et une hausse de 3 % par rapport à l'année précédente.
Comment expliquer ces évolutions ?
Elles suivent grosso modo les mêmes fluctuations que le marché de la construction au sens large. La Réglementation thermique 2005 et la volonté affichée d'améliorer les performances énergétiques y compris en rénovation ont largement joué en faveur de l'ITE. La technique était auparavant moins connue mais ses atouts, notamment en matière de gestion des ponts thermiques, ont assis sa position de solution efficace en matière d'efficacité énergétique de l'enveloppe des ouvrages.
La crise puis la reprise qui ont touché le secteur de la construction ont eu un impact sur le marché de l'ITE. Elles expliquent les baisses de 2014 et 2015 et la croissance retrouvée en 2016.
Comment se positionne l'ITE par rapport à l'isolation par l'intérieur (ITI)?
De manière générale, l'ITI reste la solution la plus utilisée. Aujourd'hui, près de quatre projets sur cinq ont recours à cette technique. Néanmoins, l'ITE gagne du terrain. Il y a 10 ans, elle ne représentait que 10 % des solutions d'isolation utilisées. Elle est aujourd'hui privilégiée pour la rénovation des logements collectifs et on note une forte progression de son usage pour les locaux non-résidentiels. Le bardage rapporté notamment y est apprécié pour ses qualités esthétiques.
Sur le marché de l'ITE, quelle est la répartition des parts entre le bardage rapporté et l'enduit sur isolant ?
En 2017, le bardage rapporté représentait 40 % des superficies totales d'ITE posées (en m²). Mais le bardage est prédominant sur le marché du non résidentiel. L'utilisation de cette technique y connaît une forte croissance. Ce que l'on remarque également, c'est que les maîtres d'ouvrage et les architectes font de plus en plus le choix de la mixité des deux techniques afin de faire varier les effets de matières et de textures en façade.
Quels sont les atouts du bardage rapporté ?
La grande variété de matériaux, de finitions, de formes, de volumes… séduit les maîtres d'ouvrage et les maîtres d'œuvre. Il offre une grande liberté de conception tout en étant résistant et durable. Son utilisation permet aux architectes de signer les ouvrages qu'ils conçoivent.
Quels sont les freins à son développement ?
Son coût, tant en termes de produits que de mise en œuvre, est clairement son principal inconvénient.
Certains matériaux pâtissent également de leur changement d'aspect au fil du temps. Le recours au bardage en bois particulièrement, qui grise en vieillissant, semble connaître une légère diminution.
Quels seraient les points d'amélioration qui pourraient participer au développement des bardages rapportés ?
Depuis plusieurs années, les professionnels du secteur répondent toujours de la même manière à cette question. Ils attendent principalement la mise sur le marché d'isolants plus minces et plus performants thermiquement. Ils souhaitent également des modes de pose simplifiés. Enfin, ils regrettent le peu d'offres en matière de matériaux biosourcés, qu'il s'agisse d'isolants ou de parements.
Quelles sont les perspectives de croissance des systèmes de bardage rapporté sur isolant ?
Il est difficile de se prononcer fermement tant le secteur dépend de celui de la construction en général. Les incertitudes quant au marché de la rénovation inquiètent car il représente le principal débouché de l'ITE. Les dernières annonces sur les prochains aménagements des aides gouvernementales ne sont pas pour rassurer.
Autre inconnue : la prochaine Réglementation environnementale prévue pour 2020 qui imposera la construction de bâtiments non seulement performants thermiquement mais aussi faibles producteurs de carbone. Ce dernier aspect est encore mal connu et il est difficile d'anticiper l'adaptation et la réaction des acteurs du secteur. Pour le moment, nous ne pouvons qu'affirmer qu'il explique le goût de plus en plus prononcé pour les matériaux biosourcés.
Malgré tout, la tendance est positive depuis 2016 et devrait se maintenir en 2018.