Le bâtiment est isolé par l’extérieur avec une épaisseur de 240 mm de laine de roche. © Antoine Felletin
Le bâtiment est isolé par l’extérieur avec une épaisseur de 240 mm de laine de roche.
La rénovation thermique et esthétique des façades de cette tour à l’architecture toute en courbures a poussé les entreprises intervenantes à modifier leurs méthodes de travail.

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© Antoine Felletin
Des nacelles ont été spécialement conçues pour le chantier afin de leur faire épouser les courbures de l’ouvrage.

On la surnomme la tour des Jeunes Mariés. Edifié dans les années 1970 à Noisiel (Seine-et-Marne), ce bâtiment de quinze étages accueillait les jeunes couples fraîchement installés en Île-de-France – alors en pleine explosion démo-graphique – dans 121 petits appartements de deux ou trois pièces. À l’époque, on l’appelait aussi la tour verte, de la couleur de la peinture qui recouvrait alors le béton aux courbes concaves et convexes. Vingt ans plus tard, elle subit une première opé-ration de rénovation avec notamment la dépose de l’ensemble des fenêtres en acier et aux verres cintrés, remplacées par des cadres droits en PVC.

Un coup de pinceau beige était également sensé rajeunir l’ensemble mais le charme est rompu. Une réhabilitation de fond est décidée en 2011 par le bailleur France Habitation, propriétaire des lieux. Objectifs du maître d’ouvrage : améliorer les perfor-mances thermiques de l’ouvrage, particulièrement de son enveloppe, pour atteindre le niveau BBC-Effinergie rénovation et redonner au bâtiment sa dimension architecturale. L’isolation par l’extérieur avec bardage rapporté s’est imposée comme la solu-tion la plus efficace.

Ce cahier des charges a été complété par des exigences strictes en matière de sécurité incendie. Compte tenu de sa hauteur (plus de 40 m), la tour relève de la quatrième famille des bâtiments d’habitations collectifs. Par conséquent, la configuration de la façade devait répondre aux contraintes de C+D.

Brelan de tours

La tour des Jeunes Mariés fait partie d’un programme emblématique de l’urbanisme des années 1970, imaginé par l’architecte Philippe Deslandes. Trois tours identiques dans leur forme et identifiables par leur couleur (verte, bleue et rose) ont été édifiées dans le même but à Noisiel, Cergy-Pontoise et Villetaneuse : accompagner le développement démographique de l’Île-de-France en permettant aux jeunes arrivants de s’installer, souvent provisoirement, dans un logement moderne et confortable. 

Noyau minéral

Le choix des matériaux s’est avéré déterminant. En plus de leur comportement au feu, les panneaux de façade devaient également être en mesure de supporter un cintrage concave ou convexe jusqu’à quarante centimètres de rayon afin d’épouser les formes de la structure en béton. « Les panneaux com-posites aluminium avec noyau minéral (Alucobond A2) répondent à l’ensemble de ces critères, explique l’architecte Antoine Felletin. La brillance du matériau au ton cuivre joue avec la lumière et les reflets. Les lignes horizontales soulignent l’enchaînement des différents rayons de courbure. L’immeuble redevient un repère urbain dans la ville. »

Pour arriver à ce résultat, l’ensemble des intervenants a dû adapter ses méthodes de travail. Le façonnage des 4 500 panneaux a conduit la société Vetisol à investir dans de nouveaux équipements. « En raison de la dureté de la couche de silice intégrée entre les deux tôles d’aluminium, nous avons usiné les plaques au diamant », souligne Agapito Fernandez, chargé d’affaire chez Vetisol. Cinq personnes étaient mobili-sées pour le cintrage concave ou convexe de chaque parement, selon huit rayons de courbure différents. « Certains panneaux atteignent 3,90 m de long sur  1,40 m de large avec un poids de 7,6 kg/m². Nous avons eu recours à un système de tables étagées pour accom-pagner le parement au fur et à mesure de son passage dans les rouleaux », poursuit le chargé d’affaires. Les panneaux sont livrés sur chantier au fur et à mesure de l’avancement des travaux. 

Démontage-montage

La même logique d’adaptation s’est imposée à l’en-treprise de bardage Stim Technibat. Car, si sur le papier, le système à mettre en œuvre est classique (240 mm d’isolant en laine de roche, une ossature métallique réglable de type oméga posée verticale-ment supportant le parement), dans la pratique, la configuration du bâtiment a considérablement com-pliqué la tâche. À tel point que la méthode de pose habituelle (l’ossature et les fixations sont montées avant d’être habillées par le parement) a dû être abandonnée après un essai infructueux.

En cause : la forme en pétales du bâtiment mais aussi le faux aplomb de 17 cm entre le haut et le bas de l’édifice et le jeu inférieur à deux centimètres entre les élé-ments voulu par l’architecte. « Nous avons démonté l’intégralité des profils pour les remonter au fur et à mesure de la pose des panneaux », explique Jean-Jacques Pedrol, directeur commercial de l’entreprise. L’immeuble a été livré très récemment. Cette mise en œuvre « haute couture » pourrait reprendre rapi-dement. En effet, la tour anciennement verte a deux sœurs jumelles, une rose et une bleue, à Villetaneuse (93) et à Cergy Pontoise (95) (voir encadré). La réhabilitation de cette dernière est d’ores et déjà prévue.