Entretien avec Nicolas Juraszek, expert enveloppe du bâtiment à la direction technique de Socotec Construction.

 
 

Les bâtiments à ossature bois se multiplient et l’arrivée de la RE2020 devrait accélérer la tendance. Si la conception et la mise en œuvre des bâtiments de faible hauteur sont connues et maîtrisées, le recul est encore insuffisant quand on dépasse R+5. Explications.

Bardage.Info Quelles sont les différences entre les types de support en bois ?

Nicolas Juraszek La distinction principale entre ces appellations réside dans le caractère porteur ou non du support. Dans les maisons à ossature bois (MOB) comme dans les constructions à ossature bois (COB), l’ossature est porteuse, contrairement aux dispositifs FOB (façade à ossature bois). Ils ne sont d’ailleurs pas visés par les mêmes normes. Les deux premiers sont soumis au NF DTU 31.2 « Travaux de bâtiment – construction de maisons et de bâtiments à ossature bois », tandis que le troisième relève du NF DTU 31.4 « Travaux de bâtiment : façades à ossature en bois ». Une dernière catégorie regroupe les panneaux massifs structuraux en bois (CLT…) utilisés pour réaliser des voiles pleins. Ces panneaux offrent des performances mécaniques permettant d’envisager des ouvrages porteurs de grande hauteur.

B.I. Quelles sont les hauteurs de bâtiment admises pour chacun d’eux ?

N.J. Les NF DTU 31.2 et 31.4 envisagent des hauteurs de façade pouvant aller jusqu’à 28 m. Pour les panneaux massifs structuraux en bois, il n’y a pas de limite préétablie. Néanmoins, pour tous ces supports, les limites seront en réalité fixées par le revêtement extérieur.

B.I. Pourquoi ?

N.J. Tous les types de construction bois nécessitent la mise en œuvre d’un revêtement extérieur (qui peut également être en bois). Ce dernier joue un rôle dans l’esthétique du bâtiment, mais participe également à la protection du support vis-à-vis des intempéries. Or, sur le marché, il existe peu de solutions disposant des garanties techniques suffisantes pour dépasser 9 ou 10 m. C’est le cas de la plupart des systèmes de bardages ventilés à joints ouverts, par exemple. En cause notamment : un manque de connaissance sur les aptitudes des pare-pluie à résister à la pression du vent en altitude. Ils sont donc proscrits car l’étanchéité à l’eau risque de ne pas être assurée.

B.I. Mais d’autres contraintes existent…

N.J. Il existe également une autre limite forte, liée spécifiquement aux FOB, c’est-à-dire avec ossatures en bois non porteuses. En effet, actuellement, aucun référentiel de revêtement extérieur ne vise ces ossatures conformes au NF DTU 31.4. Ce dernier est encore récent. On pourrait donc croire qu’il s’agit d’une simple formalité administrative destinée à laisser le temps de corriger les NF DTU et Avis techniques concernés. Mais ce n’est pas le cas. Composées d’éléments en bois indépendants les uns des autres, les FOB imposent un fractionnement du bardage pour prévenir les sollicitations mécaniques indésirables aux interfaces. Autre particularité : les déformations dans le plan de l’ossature bois liées aux mouvements des planchers supportant les FOB. Nous manquons encore de justifications sur les limites des bardages en la matière, en particulier les systèmes clipsés comme les bardeaux. Ce sont les principales raisons pour lesquelles les FOB ne sont pas visés dans les textes « bardage ».

Par conséquent, même si la structure le permet, la réalisation de bâtiments de grande hauteur en bois ne rentre pas dans les domaines d’emploi des référentiels techniques actuels.

B.I. On voit pourtant aujourd’hui se construire des ouvrages en bois dépassant ces hauteurs, comme sur le site du futur village olympique à Saint-Denis. Comment les dispositions constructives sont-elles validées ?

N.J. Si les référentiels techniques ne proposent pas de solutions, cela ne signifie pas qu’il n’en existe pas. Il faut en revanche les définir et les justifier.

Pour ce faire, différentes méthodes peuvent être appliquées. La première, empirique, se base sur un retour d’expérience reconnu et réussi. Par définition, elle prend du temps car les ouvrages doivent avoir un vécu suffisant pour être significatif et la vie de l’ouvrage doit avoir été documentée. Lorsqu'on sait que la durée de vie escomptée d’une structure est de 50 ans, cette méthode, si elle est appliquée sérieusement, ne pourra pas aboutir de sitôt !

La deuxième pourrait être une approche expérimentale. Pour les façades légères, possédant un plan d’étanchéité, il est possible d’avoir recours aux essais air-eau-vent (AEV). Ils permettent de solliciter mécaniquement en pression et dépression le plan d’étanchéité et le pare-pluie dans le cas d’un support en bois. Mais cette méthode présente aussi des limites. Si la façade est principalement mise en œuvre sur chantier et non manufacturée, le prototype testé en laboratoire présentera certainement de meilleures performances. De plus, ces essais ne prennent pas non plus en compte le vieillissement des produits.

Enfin, nous observons depuis quelque temps, de plus en plus de justifications de la durabilité et donc de la sécurité des structures en bois établies par calcul thermique dynamique. Or, les outils et les méthodologies qui leur sont actuellement associées n’offrent pas la fiabilité normalement attendue pour un calcul de structure : pas de coefficient de sécurité sur les actions et les résistances, des valeurs moyennes pour les performances mécaniques et des modèles numériques parfois peu fiables, comme pour la prise en compte de la pluie battante…

Par conséquent, si l’on emprunte à la métaphore policière, il faudrait plutôt parler de faisceau d’indices que de preuves absolues. Sur les grands bâtiments en bois du village olympique, les trois méthodes ont été utilisées, en ayant conscience des limites de chacune d’elles.

B.I. Le bois en tant que support influe-t-il sur les contraintes de hauteur au regard de la sécurité incendie ?

N.J. La réglementation incendie implique d’autres contraintes. Elle n’interdit pas les façades en bois à partir d’une certaine hauteur. Toutefois, elle encadre strictement les façades de manière générale en limitant l’usage de certains revêtements extérieurs, en imposant des protections intérieures et extérieures des éléments combustibles et par la mise en œuvre de dispositifs de protection comme des tôles de recoupement ou des encadrements métalliques autour des baies. Il n’y a donc pas ou peu de limites ou d’interdictions strictes sous réserve de délivrance d’une appréciation de laboratoire.

Le contexte

Nicolas Juraszek est un des spécialistes « façade » de la direction technique de Socotec Construction et actuel président du groupe spécialisé délivrant les Avis techniques « Systèmes d’isolation thermique extérieure avec enduit et produits connexes » (GS7). Il est également l’un des rapporteurs des ATex pour les façades du village olympique.