La rénovation de la façade d’immeuble de logements est aussi pensée à l’échelle du quartier dans lequel elle doit s’intégrer.
Avec une isolation, un bardage rapporté permet d’améliorer significativement les performances énergétiques d’un bâtiment tout en lui offrant une nouvelle esthétique. Techniquement, certaines contraintes doivent être respectées pour éviter  tout désordre.

 
 
 

En France, le secteur résidentiel compte pour 75 % de la surface totale de l’ensemble du bâti. En 2012, l’Ademe a recensé 33,4 millions de logements dont 43,9 % sont collectifs, soit environ 14 millions. Tous ne sont pas égaux en matière de performance énergétique et le parc peut être séparé en deux : les bâtiments construits avant 1974 et la première réglementation thermique et ceux érigés après.

 

Or, « les consommations énergétiques des loge-ments de la période 1850-1974 représentent plus des trois-quarts des consommations des logements collec-tifs, rappelle le bureau d’études thermiques Pouget Consultants. Il s’agit de la période où se concentre le potentiel d’économies d’énergie le plus important. » Ces 9 millions de passoires énergétiques (60 % du parc collectif) sont donc aujourd’hui la cible prioritaire des opérations de rénovation thermique.

 
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© Trespa / Pierre Pichon
Pour pouvoir mettre en œuvre un bardage, la façade doit être la plus plane possible.
 

L’enjeu est donc de taille et passe inévitablement par une accélération des opérations de rénovation. Le gouvernement souhaite d’ailleurs exploiter ce potentiel au maximum avec son objectif de rénova-tion de 500 000 logements par an annoncé dès la conférence environnementale de septembre 2012 et devrait être confirmé par la loi sur la transition énergétique en cours d’adoption. Avec la double ambition de réduire les consommations d’énergie des bâtiments et de relancer un secteur d’acti-vité qui souffre particulièrement de la crise. Pour motiver et accompagner les propriétaires dans ces démarches, l’État a mis en place différentes aides et incitations financières telles que l’éco-prêt à taux zéro ou le crédit d’impôt pour la transition énergétique (CITE) avec un taux unique de 30 %. La loi relative à la transition énergétique devrait pousser à l’iso-lation si un simple ravalement était indispensable. Les initiatives locales se multiplient également. Parmi les dernières en date, la Ville de Paris a lancé au mois de septembre dernier la plus vaste « opération programmée d’amélioration thermique des bâtiments » de France. Les copropriétaires des 55 000 logements du 19e arrondissement pourront bénéficier pendant six ans d’un accompagnement personnalisé pour la rénovation énergétique de leur immeuble (audit énergétique, choix d’un architecte et d’un BET, conformité de la qualification RGE des entreprises retenues…) et pourront percevoir des aides exceptionnelles.

 

Malgré tout, les copropriétés restent un marché diffi-cile à activer. Manque de moyens et d’informations, difficultés de prises de décisions, présence de pro-priétaires bailleurs peu concernés par la baisse des charges… Conséquence, les opérations de rénovation énergétique visent aujourd’hui encore principale-ment les logements sociaux (voir encadrés). Les problématiques financières, dont les bailleurs ne sont pas exemptés, sont parfois résolues grâce au recours à un bardage pour les étages inférieurs, leur faisant ainsi bénéficier de ses capacités de résis-tance aux chocs et de durabilité tout en animant le bâtiment, et à l’enduit pour les niveaux supérieurs. Une alternative très courante consiste à miser sur l’esthétique côté rue et sur l’économique côté cour. 

 


 

Quels travaux ?

 

La réduction de la consommation énergétique d’un bâtiment passe d’abord par une limitation des besoins en chauffage grâce à une meilleure isolation de l’enveloppe. L’optimisation de la per-formance des équipements n’interviendra que dans un deuxième temps.

Ensuite, les travaux à effectuer seront fonction de la typologie de l’ouvrage concerné. Rien à voir en effet entre un bâtiment haussmannien de la fin du XIXe siècle et une barre d’immeubles des années 1960, tant en termes de dispositions urbaines, qu’architecturales et constructives. Plusieurs études ont été réalisées afin de définir quelles sont alors les possibilités d’intervention. On peut citer le guide ABC de Pouget Consultants, repris entre autres dans le rapport RAGE 2012 paru en septembre 2012 sur « l’analyse détaillé du parc résidentiel existant ». L’Atelier parisien d’urbanisme (Apur) a également, publié en mars 2011, plusieurs cahiers proposant des solutions de rénovation de parc immobilier de la capitale, à travers l’analyse de la performance thermique des bâtiments selon leur date de construction. 
Aujourd’hui, l’isolation thermique par l’extérieur est souvent reconnue comme une solution efficace pour rénover les façades : elle supprime les ponts thermiques de liaison, elle peut être mise en œuvre en site occupé, elle n’empiète pas sur la surface des logements et elle permet de redonner du cachet à l’ouvrage. 

 

Dates de construction

 

Elle n’est pourtant pas possible partout, notamment lorsque les façades présentent un intérêt historique et architectural. Ainsi, par exemple, les ouvrages construits jusqu’en 1914 sont pour la plupart exclus de ce type de réhabilitation en raison d’ornements de façade, de motifs sculptés, de pierres de taille ou de briques apparentes. L’isolation par l’intérieur reste alors l’unique solution. Les bâtiments d’entre-deux guerres feront, quant à eux, l’objet d’études au cas par cas. « Ils sont souvent un compromis entre les techniques anciennes de construction et les tech-niques modernes qui se généraliseront après-guerre », souligne l’étude de l’Apur. Le béton notamment fait progressivement son apparition. Il se généralise pendant les Trente Glorieuses qui voient se multiplier les grands ensembles à faible valeur patrimoniale.

 

« Ce sont les bâtiments les plus énergivores mais aussi les plus simple à adapter, diagnostique l’Apur. Ils permettent d’envisager des mesures ambitieuses de réhabilitation thermique, dont l’ITE ». Ils repré-sentent près de 40 % des logements collectifs en France. Après 1974, les ouvrages ont bénéficié de la succession des règlementations thermiques. Leur isolation est souvent suffisante pour atteindre des performances énergétiques acceptables et les travaux de rénovation se concentreront plus sur un renouvellement des équipements. 

 

Enduit et bardage

 

Complexe de bardage et enduits minces sur isolant font partie des techniques d’habillage d’ITE disponibles, tout comme les systèmes de vêture. La seconde reste encore majoritaire face à la première, principalement en raison de son coût plus faible, mais l’écart tend à diminuer d’années en années. Du point de vue thermique, les deux solutions sont équivalentes. Cependant, « en matière de rénovation, le bardage rapporté présente plusieurs atouts majeurs, explique l’architecte Alexandre Levandowki. Il permet d’apporter une esthétique et une personnalité à la façade, qu’il s’agisse de matériaux ou de couleurs. De plus, il est solide et lavable facilement. Il garantit donc une véritable pérennité à la rénovation. » Tous les bâtiments à rénover construits après-guerre sont-ils aptes à recevoir un bardage rapporté ? Si en théorie, le bardage peut être mis en œuvre par-tout, en pratique, certaines contraintes doivent être respectées. « L’architecture de la façade ne doit pas présenter de reliefs trop importants », souligne Stéphane Fayard, dirigeant de la société GCEB. « Les décrochés, les modénatures et l’encadrement des baies sont difficiles à gérer avec les systèmes rapportés », abonde Christian Cardonnel, président du bureau d’études thermiques Cardonnel Ingénierie. La façade doit en outre être suffisamment saine et solide pour supporter les fixations mécaniques d’ossatures. « De manière générale, les murs maçonnés sont aptes au bardage », poursuit Stéphane Fayard. Les fixations et ossatures seront ensuite dimensionnées en fonction du poids des parements rapportés car ce sont elles qui en reprennent les charges.

 

Point de rosée

 

La composition de la paroi initiale doit également être analysée sous l’angle de la migration de la vapeur d’eau et de la condensation qui sera modifiée avec la mise en œuvre d’un bardage avec l’isolation par l’extérieur. « Améliorer le niveau de déperdition de l’enveloppe impacte les transferts d’humidité et peut créer des désordres si ces derniers ne sont pas pris en compte dès la phase conception du système », ajoute Christian Cardonnel. « Le point de rosée calculé ne doit pas être situé dans le mur mais à l’extérieur », confirme Julien Huguenin, conducteur de travaux pour GCEB. Par exemple, si le système d’isolation intérieure comprend un pare-vapeur, le complexe de bardage avec son isolation comprendra une ventilation efficace pour éviter toute accumulation d’eau dans la paroi.

 

« Améliorer le niveau de déperdition de l’enveloppe impacte les transferts d’humidité et peut créer des désordres si ces derniers  ne sont pas pris en compte dès la phase conception du système. »

 

Innovations

 

Les évolutions techniques permettent aujourd’hui d’aller plus loin et de s’abstraire d’une façade exis-tante. C’est le cas par exemple pour les bâtiments à structure poteau-poutre avec éléments de rem-plissage qui n’autorisent pas la fixation d’éléments. Pour recréer une façade, « les profils sont vissés de nez de plancher à nez de plancher, décrit Stéphane Fayard. Une ossature horizontale crée des chevêtres, avec ou sans fenêtre selon le procédé, auxquels sont raccordés les parements. » L’isolant est directement intégré au complexe. 
« Lorsque le budget de départ le permet, la mise en œuvre d’une ITE avec bardage rapporté est généralement privilégiée, souligne l’architecte Antoine Felletin. En plus d’une rénovation énergétique efficace, ces procédés permettent une valorisation durable  du patrimoine. »

 

Opération d’envergure dans le 20e arrondissement

 
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« Des barres standards des années 1960, entretenues correctement mais sans rénovation lourde depuis leur construction, à part le remplacement des fenêtres pour l’un des deux ». Voici le portrait que dresse Frédéric Groulet, responsable des opérations de réhabilitation du bailleur social parisien Elogie, du Tlemcen et des Amandiers, deux immeubles du 20e arrondissement de Paris. Les ouvrages sont situés sur une même parcelle qui comprend également un espace vert jusqu’ici peu voire pas exploité. 
L’organisme fait l’acquisition de l’ensemble en 2009 et décide de lancer une opération de rénovation conjointe des deux bâtiments, notamment en vue de respecter le plan climat de la Ville de Paris. « Nous souhaitions améliorer les performances énergétiques des ouvrages, améliorer le cadre de vie des habitants, qui pour certains vivent là depuis 30 ans, et densifier la parcelle. » Un vaste programme qui, par ailleurs, devait être réalisé en site occupé.

Par conséquent, l’ITE (20 cm d’épaisseur de laine minérale) s’est imposée d’elle-même. De plus, « comme beaucoup du patrimoine construit après 1945, les façades en béton étaient faciles à traiter, avec une modénature simple. » Pour les habiller, la maîtrise d’œuvre a fait le choix de mixer les matériaux afin de « varier les granulométries et les finitions ». L’enduit mince côtoie donc le bardage avec parements en panneaux stratifiés. 

Pour densifier la parcelle, les concepteurs ont eu recours à la surélévation. « Les études et sondages du sol ont conclu que seuls les 2/3 de l’immeuble Tlemcen pouvaient accueillir un étage supplémentaire. » La solution bois (ossature + bardage avec isolant) a été retenue pour sa légèreté et sa rapidité de mise en œuvre avec très peu de déchets et des performances énergétiques conformes aux exigences de la municipalité.

 

 

 

La seconde vie d’un HLM de Courbevoie

 
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À Courbevoie (92), la résidence de l’Ancre, construite dans les années 1970, bénéficie depuis quelques mois d’une importante opération de rénovation. Thermique tout d’abord, avec la mise en œuvre d’une ITE d’environ 120 mm d’épaisseur de laine de verre et de plaques de polystyrène mais également esthétique avec, sur deux des quatre façades, un bardage rapporté en terre cuite (Terreal). Un choix qualitatif porté par l’architecte Alexandre Levandowsky et par la SCET, assistant à la maîtrise d’ouvrage, qui a su convaincre le maître d’ouvrage (OPH Courbevoie Habita) malgré un prix plus élevé comparé à un enduit ou un parement sur ITE. L’immeuble R+6 de logements sociaux est entouré des bâtiments tertiaires de la Défense. La pression foncière dans le secteur est forte et certains voudraient remplacer les habitations de l’Ancre par des bureaux.

 

« Avec ce bardage en terre cuite, l’ouvrage accède à une véritable identité architecturale. En le démarquant de son environnement, il le rend remarquable et lui offre une seconde vie », explique Eric Adotti, responsable des programmes au sein de la SCET. Les lames de cinq couleurs différentes dans les tons ocre rythment la façade. « Le calepinage a été réalisé pour s’adapter au bâtiment, notamment au niveau des menuiseries, et éviter ainsi les coupes sur site pour respecter le budget », explique Cyrielle Berger, conductrice de travaux pour GCEB, en charge du lot.

 Aujourd’hui, la résidence apporte une touche de couleurs dans l’environnement très vertical et impersonnel du centre d’affaires parisien. 
 

 

 

Prise en compte de la sécurité incendie

Les travaux devront respecter la circulaire du 13 décembre 1982 relative à la sécurité des personnes en cas de travaux de réhabilitation. En particulier d’après l’instruction technique n°249 (version 1982 pour les logements) relative aux façades, certains isolants ou épaisseurs d’isolants ne peuvent pas être utilisés, selon les familles de bâtiments, pour respecter les dispositions de protection contre la propagation du feu par les façades (règle du C+D). Par ailleurs, des dispositions complémentaires sont à mettre en œuvre : recoupement des panneaux isolants à certains niveaux et de la lame d’air en bardage, mise en place de bandeaux de laine minérale au-dessus des ouvertures.*