La réussite d'une façade végétalisée tient à la réalisation rigoureuse de l'entretien. (c) Le Prieuré
La réussite d'une façade végétalisée tient à la réalisation rigoureuse de l'entretien.
Le concept de mur vert séduit en théorie mais son coût et plusieurs contre-références ralentissent le développement du marché. Pourtant, les systèmes fonctionnent à condition que les règles d’entretien et notamment d’arrosage soient scrupuleusement respectées. Adeline Dionisi

 
 

La végétalisation a encore du mal à se faire une place sur le marché des revêtements de façade. Depuis les premières réalisations de son inventeur, Patrick Blanc, sur les murs de la Cité des Sciences et de l’industrie en 1988 ou du musée du Quai Branly en 2005, le nombre projets mis en œuvre augmentent certes mais doucement. Chaque année, une dizaine de milliers de mètres carrés sont posés, soit dix fois moins qu’en toiture-terrasse.

Pourtant, visible de la rue, l’ouvrage apporte aux bâtiments une dimension esthétique appréciée. Il répond en outre aux problématiques actuelles de retour de la nature en ville, de confort d’été, de réduction des îlots de chaleur urbains, de biodiversité et d’isolation acoustique comme l’ont montré plusieurs études. Citons par exemple le programme VegDUD, mené entre autres par Plante & Cité (2014) ou l’étude réalisée par l’Adivet, en partenariat avec le bureau d’études Tribu et le CSTB. Les résultats ont confirmé que la présence d’un substrat humide en permanence ainsi que l’ombre créée par le feuillage sur la paroi stoppent une partie du rayonnement solaire et permettent d’atténuer les effets de surchauffe à l’intérieur de l’ouvrage. Le stockage de chaleur pendant la journée est lui aussi réduit.

De plus, en consommant de l’énergie, l’évapotranspiration participe au rafraîchissement de l’air et diminue les températures de surface. Enfin, si la façade végétalisée ne joue pas le rôle d’isolant thermique, elle permet de réduire les nuisances sonores. Le substrat absorbe le son de manière plus importante qu’une surface minérale. Les recherches ont montré que cet effet était plus significatif en haut des immeubles qu’en bas.

« Les façades végétalisées répondent aux problématiques actuelles de retour de la nature en ville »

Prix élevé

Comment expliquer que la dynamique ne prenne pas ? « La première contrainte, c’est le coût », s’accordent à rappeler les professionnels du secteur. À l’achat, il est équivalent à celui d’un bardage haut de gamme. Auquel il faut ajouter ensuite un budget annuel pour les opérations d’entretien. De quoi refroidir certaines bonnes volontés. C’est pourquoi les commandes concernent majoritairement des locaux commerciaux ou des immeubles de bureaux plutôt que des logements. Si la tentation de passer outre les contraintes de maintenance peut être grande, elle est aussi fatale à la pérennité de la façade végétale. Plantes clairsemées, disparition de certaines espèces au profit d’une monoculture envahissante… Ces désagréments ont fait planer le doute sur l’efficacité des systèmes et nuisent grandement à sa réputation. Or, la plupart est due à des défauts d’entretien. « Deux types d’intervention sont nécessaires : l’entretien et le contrôle. Pour le premier, deux fois par an a minima (et jusqu’à 2 fois par mois selon certains murs), la façade est taillée et les plantes mortes sont remplacées. Concernant le second, il est important de vérifier le bon fonctionnement du système d’arrosage, de l’ajuster à la période climatique et d’effectuer un suivi phytosanitaire des plantes », explique Caroline Chiquet, responsable technique toitures et façades végétalisées pour Le Prieuré.

L’arrosage indispensable

La clé de la réussite du projet est bien là : un apport quotidien, adapté et régulier en eau et ce, quel que soit le type de procédé choisi (voir encadré). C’est pourquoi ces derniers intègrent un système d’irrigation en eau et nutriments (on parle alors de « fertirrigation ») car les végétaux plantés à la verticale ne reçoivent pas les eaux de pluie. Cet arrosage est effectué par un réseau de micro-goutteurs répartis sur l’ensemble de la surface pour l’adapter en fonction des plantes et de leur positionnement. Il est relié à une armoire de contrôle par l’intermédiaire d’un réseau primaire de canalisations. Filtres, régulateurs de pression, pompe doseuse pour la fertilisation, dispositif de vidange… complètent l’ensemble. Pour faciliter la vérification de son bon fonctionnement, les fabricants utilisent des systèmes de gestion à distance dédiés. « Ils permettent d’ajuster en temps réel les quantités injectées et d’être alerté des dysfonctionnements », insiste François Lassalle, gérant de la société Flax et membre du conseil d’administration de l’Adivet dont il assure également l’animation du groupe de travail « végétalisation de façades ». Toute cette technologie demande de la place et occupera un local dédié.

« La clé de la réussite d'un projet tient dans l'apport quotidien, adapté et régulier en eau »

Contrôle de la consommation d’eau

« Cette gestion centralisée permet également, en contrôlant au plus près les débits et volumes, d’éviter les surconsommations d’eau. », ajoute Caroline Chiquet. Car la question se pose légitimement et la réponse n’est pas toujours claire. Selon les systèmes, la surface, la région, l’exposition… les besoins des végétaux sont différents. Certains fournisseurs avancent une consommation annuelle moyenne de 200 l/m²/an, d’autres 700 l /m²/an. Il apparaît donc difficile de fournir des données précises et généralisées. « Pour certains procédés et selon la configuration de la façade, le rythme d’arrosage est de 5 à 10 minutes par jour en plein été, trois fois par semaine au printemps et en automne et une fois par semaine en hiver », souligne François-Xavier Jacquinet, dirigeant de Tracer Urban Nature. Le développement de systèmes en circuit fermé réduirait encore cette consommation.

Les différents procédés de façade végétalisée

  • La nappe continue : les végétaux sont insérés entre deux couches d’un feutre non tissé imputrescible jouant le rôle de substrat fixé sur une plaque en PVC. L’eau imprègne le système par capillarité.
  • Les modules métalliques : technique la plus utilisée par les fournisseurs (Greenwall Systems, Vertiflor de Tracer Urban Nature, Vertipack du Prieuré, Vivagreen de Sopranature…), les modules sont en acier inoxydable, en acier galvanisé ou en aluminium. Ces éléments, comparables à des gabions, contiennent le substrat dans lequel les plantes sont disposées à raison d’une trentaine de végétaux pas mètre carré. Les faces internes de certains sont habillées d’un feutre imputrescible (polypropylène, fibres minérales…) qui isole le support de culture des agressions ­thermiques et constitue également une réserve d’eau supplémentaire.
  • Les modules plastiques préformés alvéolaires ou à fond rectangulaire (Modulogreen de Vertical Solutions, Vertiss de Novintiss…).

Le liaisonnement à la façade

Toutes ces techniques présentent des caractéristiques propres en termes de poids, de consommation d’eau, de mise en œuvre, de comportement, de performances thermiques et acoustiques. Une étude au cas par cas définira le système le plus adéquat en fonction du climat, de la configuration de la façade, de ses capacités de portance… De manière générale, « elles reprennent les principes de base des bardages rapportés ventilés », précise Manuel Darse, référent technique chez Novintiss. Le liaisonnement à l’élément porteur s’effectue via une ossature le plus souvent métallique et insensible à la corrosion (acier inoxydable, acier galvanisé ou aluminium) horizontale, verticale ou double selon les procédés et leur poids. Ce dispositif constructif permet de réserver une lame d’air entre le mur et le procédé végétalisé. L’ensemble est donc ventilé et peut accueillir une isolation thermique par l’extérieur.

Les modes de culture

Les cages grillagées et modules divers ont recours à un substrat spécialement conçu pour cet usage dans lesquels les racines des plantes se développent. Plusieurs solutions sont possibles. Les matériaux d’origine minérale (pouzzolane, sable, argile, laine de roche…) sont inertes et incompressibles. Ils nécessitent néanmoins une fertilisation importante. Les composants organiques (avec entre autres les sphaignes ainsi que certains composts) disposent d’une grande capacité de rétention d’eau. Mais ils se dégradent dans le temps et sont sujets au phénomène de tassement. Les substrats synthétiques, généralement en polyester, existent mais sont peu utilisés. Enfin, la combinaison de matériaux minéraux et organiques présente, selon les utilisateurs, l’avantage d’être aérée et de ne pas se détériorer.

Les plantes

Entre vingt et trente plantes par mètre carré sont plantées. Le choix des espèces dépend du rendu esthétique souhaité tout en assurant un couvert végétal toute l’année. Elles peuvent être précultivées en micro-mottes ou en godets. Elles doivent être capables de s’enraciner dans une petite quantité de substrat. L’orientation de la façade, l’exposition aux vents, la hauteur, le positionnement au sein du système et les jeux d’ombre seront également pris en compte.