L’aspect chaleureux du bois, la douceur des couleurs claires, la minéralité... semblent s’imposer sur le marché du bardage depuis la crise sanitaire. Avec toujours un goût prononcé des architectes pour les écritures architecturales fortes. Mais les difficultés conjoncturelles et la concurrence accrue de procédés constructifs moins onéreux font vaciller le marché. L’occasion pour la profession de rappeler que la façade rapportée dispose d’autres atouts qui peuvent valoir de dépenser un peu plus.

 
 

Après plusieurs années de croissance régulière (hors période Covid), le marché des bardages tend à se rétracter. MSI Reports, cabinet d’études indépendant réalisant des études de marché, annonce, dans son dernier rapport paru en juillet dernier*, que le secteur accuse un repli de 2,3 % en volume entre 2021 et 2022, passant de 48,7 millions à 47,5 millions de mètres carrés posés. En valeur en revanche, les chiffes augmentent de 19,9 % (1,3 milliard d’euros en 2021 contre plus d’1,5 milliard en 2022, valeurs fournies aux prix courants fabricants HT). Les conséquences de la crise du neuf doublées de l’augmentation généralisée des prix ? « La tendance inflationniste a pour effet de déstabiliser le marché, explique le SNBVI. Les investissements, plus particulièrement dans le neuf, se voient reportés ou annulés. Lorsqu’ils ne peuvent pas l’être, on assiste parfois à un changement de nature du parement ou de système constructif moins coûteux pour maîtriser le budget. » La concurrence avec les systèmes sous enduit peut en effet être rude, comme le confirme l’architecte Alexandre Lamboley : « Dans les réponses aux appels d’offres, les procédés de filière humide sont généralement proposés en option pour finalement être retenus pour des questions de coûts. » Et pourtant… « Plus résistants et plus durables, les parements de bardage deviennent, sur le long terme, plus rentables. »

Écriture architecturale

Ses atouts, le bardage rapporté sait les faire entendre comme sur ces deux immeubles de logements sociaux à Besançon en cours de construction sur lequel un parement métallique a été privilégié car installé sur un boulevard. « La maîtrise d’ouvrage (Loge.GBM) a compris que le dispositif, certes plus cher au départ, n’allait pas au fil du temps nécessiter d’entretien lourd et coûteux », raconte Alexandre Lamboley. Il offre également une palette esthétique tellement large qu’il laisse toute latitude à la créativité des concepteurs. Alors, on trouve des compromis et il est désormais courant de retrouver des façades mixant les matériaux, « pour maîtriser le budget tout en conservant une écriture architecturale identifiée et identifiable, chère aux architectes », souligne François Chardon, directeur général de Fundermax France. La formule séduit aussi bien dans les logements collectifs que dans le tertiaire, dans le neuf comme en rénovation. D’autant plus que les catalogues des industriels ne cessent de s’élargir de nouvelles teintes, textures, effets, brillance…

Bois et aspect bois

En ce moment, le bois mais aussi l’aspect bois connaissent leur petit succès. Parements acier, aluminium, composite HPL, clins PVC… Tous les fabricants déclinent leurs produits en version chêne ou épicéa, avec veinage apparent, reproduisant les volumes et la matière… « Depuis la crise sanitaire, le goût pour l’aspect chaleureux du bois reste fort. Mais pas celui pour l’évolution de sa couleur dans le temps ni pour son entretien », explique Nicolas Marchand, responsable prescription sud chez ArcelorMittal Construction France. La hausse fulgurante de son prix en 2022 en a également poussé plus d’un à changer son fusil d’épaule. Le bois reste néanmoins, après le métal, la deuxième plus grosse part de marché du secteur (voir encadré). Et rappelle, lui aussi, ses atouts : naturel, biosourcé, il bénéficie de qualités environnementales certaines qui, à l’heure de la RE2020, encouragent son développement. De plus, « il existe aujourd’hui de nombreuses solutions pour anticiper le grisaillement. Les saturateurs par exemple permettent non seulement de protéger le bois mais de lui donner des teintes spécifiques, explique Manel Eon, directrice marketing et innovation chez Silverwood. Plusieurs tailles, couleurs, épaisseurs de profils peuvent s’assembler pour rythmer les façades et répondre aux souhaits des architectes. Nous observons par exemple depuis quelques années, un gain d’intérêt pour la pose en claire-voie jouant sur les largeurs, les formes carrées, rectangles… pour offrir une identité forte à l’enveloppe du bâtiment. »

Plus confidentielle, la terre cuite ne cesse de se développer. Naturelle, son aspect chaleureux mais aussi une durabilité de plus d’un siècle contrebalancent un coût élevé. En un an, elle est passée d’un peu plus de 1,2 million de m² posés à 1,4 million m², soit une hausse de 8 %. C’est beaucoup, surtout si l’on compare aux tendances des autres matériaux étudiés (voir encadré). Même constat pour l’ardoise naturelle qui, certes, n’a été mise en œuvre que sur 53 000 m², mais c’est 7 % de plus qu’en 2021. Elles répondent notamment au goût toujours prononcé des architectes pour les continuités toitures-façades auxquelles les ardoises, entre autres, se prêtent très bien.

Réflectivité

Côté couleur, même ambiance. Les teintes naturelles, douces, claires, voire pastelles se déclinent dans tous les matériaux. « Avec le poids de plus en plus important du confort d’été et de la réduction des îlots de chaleur urbains dans la conception, la réflectivité des produits devient elle aussi un critère de choix », explique Damien Devillierre, directeur commercial pour 3A Composites (Alucobond). « Des bénéfices observables sous certaines conditions (faible isolation et localisation notamment) », rappelle Edwige Parisel, déléguée générale de la Chambre syndicale française de l’étanchéité (CSFE). Chez VM Building Solutions, « on constate aussi une augmentation des demandes de zinc blanc, tant en couverture qu’en façade », confirme Étienne Chopin, responsable secteur prescription chez VM Building Solutions. Le volume est également recherché avec le recours à des parements en trois dimensions, des pliages, des découpes, des ajourations.

Mais on s’en doute, l’esthétique n’est pas le seul guide dans le choix. On l’a vu : la résistance, la durabilité, l’entretien restreint, voire nul et bien entendu le prix sont des critères souvent décisifs. Tout comme la sécurité incendie qui complique un peu plus la situation. À l’heure où les enjeux de décarbonation s’affichent comme une priorité, qu’en est-il des caractéristiques environnementales des produits ? « Les bonnes intentions sont là mais dans les faits, elles ne vont que rarement plus loin. Les seuils d’exigences de la RE2020 ne sont pas encore trop contraignants. Les acteurs du marché préfèrent faire avancer leur projet coûte que coûte car le marché du neuf est en crise et les programmes se font rares », souligne Étienne Chopin.

FDES

Les industriels se préparent néanmoins, car un premier abaissement des seuils est prévu pour 2025. La rédaction de FDES avance. Au jour où nous rédigeons ces lignes, le secteur en comptabilise en tout 291 avec une prédominance de l’acier (29) et du bois (26). À noter que, sur l’ensemble, il reste encore des Données par défaut (DED) pénalisantes. Le bois, biosourcé, présente ici évidemment un avantage certain. D’autant plus s’il permet d’obtenir des aides. D’autres matériaux pourtant d’origine naturelle sont quant à eux mal noté. C’est le cas par exemple de la terre cuite car « les fours nécessaires à leur cuisson sont très consommateurs », précise Alexandre Lamboley.

Il y a évidemment d’autres leviers pour améliorer les performances environnementales d’un produit car aucun finalement ne coche toutes les cases. Les fabricants insistent donc sur les autres avantages que présente notamment l’optimisation des process. Ils permettent de maîtriser les déchets de fabrication et de livrer des produits prêts à l’emploi donc simple, rapide et moins cher à poser. Ils travaillent tous également à l’amélioration de leurs outils de production. « Nous avons un objectif de décarbonation net zéro d’ici 2050 avec, pour le périmètre de la construction, une baisse de 35 % des émissions de CO2 en 2030 », souligne Jean-Michel Boulestin, responsable prescription nord chez ArcelorMittal Construction France. « Avec nos quinze usines en France, notre production est locale », ajoute Nicolas Marchand. La filière bois n’est pas en reste et cherche aussi à tirer sa production vers le haut. Chez Silverwood par exemple, « nous travaillons à l’optimisation de notre logistique, à l’amélioration de la composition de nos saturateurs pour être en cohérence avec les atouts environnementaux du bois dans la construction », souligne Manel Eon. Les industriels de l’HPL rappellent que leurs produits sont fabriqués avec 70 % de fibres naturelles issues de bois certifiés. La gamme Max Exterior de Fundermax a d’ailleurs obtenu le label Produit biosourcé pour l’intégration de papier dans ses constituants. Quant aux acteurs de l’acier, ils rappellent que leurs produits de bardage sont généralement composés à 90 % de matériaux recyclés et sont eux-mêmes 100 % recyclables.

Recyclage

Car finalement, au-delà du bilan carbone des produits, c’est leur recyclabilité qui préoccupe les prescripteurs. L’entrée en vigueur de la REP n’y est pas pour rien mais ne fait que confirmer une tendance existante. Un avantage pour certains : « Nous proposons des produits en acier, issus à 100 % de matériaux recyclés et eux-mêmes 100 % recyclables avec des filières existant depuis des dizaines d’années », rappelle Nicolas Marchand. Les professionnels du secteur se penchent aujourd’hui sur le réemploi avec notamment le lancement d’ici quelques mois d’une plateforme dédiée pour mettre en relation l’offre et la demande de produits de construction métallique de réemploi ou de réutilisation**. Pour d’autres, il y a encore des progrès à faire mais ils progressent et les filières se construisent. Ainsi, 3A Composite s’est engagé à ne produire que des parements 100 % recyclables d’ici 2035 tandis que Trespa lance son programme « second life » visant à encourager la réutilisation des panneaux en fin d’emploi en façade comme matériaux pour d’autres applications.

Recyclage et recyclabilité, bientôt des critères discriminants ? À l’heure où la sobriété voire la frugalité s’imposent, avec un marché de la rénovation appelé à croître de manière conséquente, la question du recyclage mais aussi celle de la réutilisation des matériaux pour un même usage ou, pourquoi pas, une autre application ne pourra pas être éludée.

* MSI Reports, marché des bardages et autres parements de façade, juillet 2023, 307 pages.

** Le projet est développé par le Centre technique industriel de la construction métallique (CTICM) en partenariat avec l’Enveloppe métallique du bâtiment (EMB) et l’Union des métalliers et est hébergé par la Maison de la construction métallique (voir article p. 9).

La conjoncture défavorable a impacté en 2022 le marché du bardage. Mais tous les matériaux ne l’ont pas subie aussi brutalement. Toujours leaders sur le marché avec leur 65 % de parts de marché en 2022, les parements métalliques ont connu une baisse de 4,1 % des volumes posés. L’acier, qui a lui seul en représente 85 %, profite de son lien très étroit avec la filière logistique et commerciale. Il vient de traverser néanmoins une période difficile, tant en termes de coût que d’outil de production et a vu son nombre de m2 posés chuter de 5 %, passant de 27, 8 millions de m2 en 2021 à 26,4 millions de m2 en 2022. Le reste du marché du métal se partage entre l’aluminium qui, avec 14 % reste plus ou moins stable par rapport à 2021, tandis que le zinc, s’il ne compte que pour 1 %, a bondi de 12 %.

Deuxièmes au classement, le bois et ses dérivés pèsent pour 16 % du marché. Avec 7,6 millions de mètres carrés posés en 2022, il se maintient au même niveau que l’année précédente. Le secteur profite notamment de la bonne santé de la construction bois qui a, en 2022, résisté à la morosité ambiante. Enfin, les autres typologies de matériaux se répartissent équitablement le reste du marché. Le fibre-ciment compte pour 6 % (+2,5 % par rapport à 2021) tandis que le stratifié HPL, la terre cuite, le béton et le minéral composite, les plaques en plastique et les clins PVC remporte chacun entre 1 et 3 %. Les évolutions les plus fortes touchent la terre cuite et les plaques en plastique, en croissance respectives de 8 % et 9 % et les clins PVC en baisse de près de 12,5 %.

Source : MSI Reports, marché des bardages et autres parements de façade, juillet 2023, 307 p.