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Entretien avec Benoît de Saint-Martin, architecte voyer en chef au sein de la division sites et paysages de l’agence d’écologie urbaine de la mairie de Paris.

La maire de Paris a, dès le début de sa mandature, affiché ses ambitions en matière de végétalisation des toitures, mais aussi des façades.  L'objectif de 100 ha est aujourd'hui rempli, même si le nombre de façades végétalisées reste bien en deçà du potentiel qu'offrent les immeubles parisiens. Ainsi la mise en place de solutions incitatives, voire obligatoires, à la végétalisation des façades, est en cours de réflexion.

Bardage.Info Quel est le rôle de la division sites et paysages de l'agence d'écologie urbaine de la mairie de Paris en matière de végétalisation du bâti ?

Benoît de Saint-Martin Nous accompagnons la végétalisation des projets de construction, d'extension et de surélévation à l'échelle du territoire de Paris, aussi bien au sol qu'en toitures ou en façades. Nous examinons, en amont et en collaboration avec des experts écologues, des sciences et techniques du végétal, de l'agriculture urbaine, du paysage et de l'aménagement, les permis de construire et les déclarations préalables déposés à la direction de l'urbanisme, dès que ceux-ci intègrent un volet paysager, soit environ 500 dossiers par an. Nous avons également une vocation d'accompagnement des projets en termes de choix des plantations et de configuration des espaces libres. Nous veillons également à la préservation des espaces verts protégés et privés (environ 240 ha, au total), qui constituent un véritable réservoir de biodiversité en cœur d'îlot, ainsi qu'à celle des espaces verts publics (environ 650 ha, hors bois). Enfin, nous nous intégrons dans une réflexion plus large, effectuée autour du développement de la biodiversité et des trames vertes et bleues à l'échelle du territoire de Paris et de ses environs.

En début de mandature, la maire de Paris avait annoncé un objectif de 100 ha de végétalisation de toitures et de murs dans la capitale d'ici à 2020. Où en sommes-nous aujourd'hui ?

La mission est accomplie et même dépassée. En 2014, l'Apur avait recensé environ 70 ha de bâtiments végétalisés (40 ha de toitures + 30 ha de façades). À la fin 2018, nous avons décompté, en cumulé, environ 115 ha réalisés, soit une croissance d'environ 10 ha par an.

Dans la continuité de cette démarche et avec l'ambition de faire de Paris une capitale agricole*, voire « brassicole », la ville de Paris a lancé en 2017 la première saison d'un appel à projets centré sur le houblon, principalement en façade. La totalité des huit sites sont déjà installés. La saison 2 de l'appel à projets « houblon » a permis de faire émerger plus de vingt nouveaux sites dédiés à la culture du houblon.

« La modification du PLU a introduit une obligation de végétaliser les toitures-terrasses de plus de 100 m2 dans le neuf, mais n'impose rien pour les façades.»

Mais, de manière générale, le verdissement bénéficie avant tout aux toitures. La végétalisation des façades et des murs ayant encore du mal à se développer. Selon un recensement de l'Apur, réalisé dans le cadre du programme ANR Ecoville 2015-2017, il existe à Paris, 3 243 façades et murs végétalisés couvrant 30 ha au total (2,5 % des bâtiments parisiens). Ils sont principalement répartis dans les secteurs riches en anciens hôtels particuliers du 16e arrondissement et du 7e arrondissement, ainsi que dans les quartiers de maisons et de villas de l'Est parisien. Il s'agit généralement d'une végétalisation spontanée et constituée de plantes grimpantes, sans support et en cœur d'îlot : murs pignons, façades sur cour, murs séparatifs Seuls 4,5 % de cette végétalisation de murs donne sur l'espace public.

Outre ces végétalisations spontanées, quels types de procédés de végétalisation des façades sont mis en œuvre aujourd'hui ?

La technique des plantes grimpantes en pleine terre et en pied de façade est majoritaire, car plus économique, plus efficiente et peu contraignante en termes d'entretien et d'investissement. En revanche, les plantes seront plus lentes à recouvrir les façades toute hauteur qu'avec les procédés prévégétalisés, comme les systèmes de bardage rapporté avec nappe continue, modules métalliques ou plastiques (voir Bardage.Info n°11 ndlr), ou les systèmes de double façade, avec coursives et jardinières filantes. Ces solutions sont intéressantes quand le rez-de-chaussée de l'immeuble est occupé par des locaux d'activité et ne peuvent être colonisés par la végétation.

En revanche, ils sont beaucoup plus onéreux et demandent un entretien important.

Quels sont les outils mis en place par les pouvoirs publics pour inciter à végétaliser les façades ?

Si la modification du Plan local d'urbanisme (PLU), approuvée en juillet 2016, a introduit une obligation de végétaliser les toitures-terrasses de plus de 100 m² dans le neuf, elle ne comprend pas de mesures obligatoires pour les façades et les murs. L'article 6 prévoit néanmoins la possibilité de déroger à la règle de l'alignement des constructions le long de la voie. Il mentionne en effet que pour un nouvel édifice ou une reconstruction « un retrait réduit à la stricte largeur nécessaire est à privilégier pour assurer l'enracinement des plantes destinées à végétaliser une façade ». Ce texte se réfère donc aux plantes grimpantes installées en pleine terre et en pied de façade, au moyen d'une fosse filante d'environ 50 cm de largeur réalisée en retrait de l'alignement sur rue. En pratique, cet article est très peu appliqué depuis l'entrée en vigueur du PLU modifié.

Quant à l'article 13, il a introduit, en plus d'une augmentation des obligations en termes d'espaces végétalisés en pleine terre au sein d'une même parcelle, une part de 10 % de surfaces végétalisées rapportées au bâti, en toiture ou en façade, avec un coefficient de pondération (x 0,5 en toiture et x 0,2 en façade) par rapport à la pleine terre (x1).

Selon la configuration et le choix de la solution, qui finance puis entretient les projets de façade végétalisée ?

Habituellement, le ou les propriétaires des immeubles. Nous pouvons, ponctuellement, prendre en charge la végétalisation de murs, après signature d'une convention avec la copropriété. La mairie de Paris en assume alors les coûts d'installation et l'entretien. Ainsi, la direction des espaces verts et de l'environnement a réalisé, depuis 2014, plus de 60 murs végétalisés en retrait d'alignement et donnant sur l'espace public, avec l'accord des copropriétés concernées.

Quels sont les freins au développement des façades végétalisées sur rue ?

Les principales réticences des copropriétaires concernent davantage les façades sur rue que sur cour. Peur de la dégradation du bâti, de devoir tout déposer en cas d'obligation de ravalement, de l'intrusion d'insectes et de pigeons sans oublier les immeubles mitoyens dont les propriétaires craignent un développement des plantes grimpantes sur leur propre façade.

Vient ensuite le cadre juridique qui demande encore à être précisé, notamment dans le cas d'une plantation en pleine terre et en pied de façade, au moyen d'une fosse filante. En cas de réalisation sur trottoir, se pose la question de ce qui relève de l'autorisation d'occupation du trottoir (la végétalisation empiète sur le domaine public et nécessite alors une autorisation d'occupation temporaire du domaine public), et de ce qui relève de l'autorisation d'urbanisme du bâtiment qui supportera son développement (il faut alors une déclaration préalable pour modification de l'espace non bâti).

Quelles seraient les solutions pour clarifier la situation ?

Les réflexions sont en cours. Aujourd'hui, la mise en œuvre d'une façade végétalisée sur un immeuble existant est soumise à la dépose d'une déclaration préalable à la mairie. Dans le cas d'une construction neuve, elle sera traitée dans le cadre global d'un permis de construire. Par ailleurs, nous réfléchissons à la possibilité de développer ponctuellement la végétalisation des façades au moyen du « permis de végétaliser », initié en 2015 par la municipalité. Sachant qu'il est soumis à une durée limitée à 12 ans et conditionné à la réalisation de l'entretien par le demandeur. Si ce dernier l'abandonne, la convention n'est pas renouvelée, ce qui offre une certaine souplesse.

Enfin, nous ne pourrons travailler sans les Architectes des bâtiments de France, car l'impact visuel de la végétalisation du bâti n'est pas neutre sur le paysage de la rue, même si celle-ci participe à la réintroduction de la nature dans la ville, plébiscitée par les habitants.

La révision du Plan local d'urbanisme envisagée à partir de 2021, soit après les élections municipales, sera déterminante. Le potentiel est immense et il faut le valoriser pour le rafraîchissement des façades, le renforcement de la biodiversité et le bien-être des Parisiens.

* objectif : 30 hectares dédiés à l'agriculture urbaine, d'ici à 2020.