Bardage.Info On entend de plus en plus parler de responsabilité sociale de l’entreprise et de label… Qu’est-ce que cela veut dire, être labellisé RSE ?
Catherine Guerniou Concrètement, c’est rendre public et officiel l’engagement sociétal, social et environnemental de son entreprise. Mais c’est le faire en fonction de sa propre identité. Devant le panel de labels disponibles, il faut être en mesure de choisir celui qui correspond le plus à son marché, à son entreprise et à sa clientèle. Quand on s’engage en RSE, on travaille beaucoup sur son ADN.
B.I. Justement, comment choisir ?
C.G. Il y a trois catégories de labels. Les généralistes s’adressent à toutes les organisations sur l’ensemble des sujets de la RSE. Les sectoriels se concentrent sur un secteur d’activité, comme celui des Scop du bâtiment. Les thématiques sont dédiées à des sujets propres à la RSE : les achats responsables, l’environnement, le numérique… Pour savoir vers quel label se tourner, je conseille de se faire accompagner. Les adhérents de la FFB peuvent faire appel dans un premier temps à Bâtisseur responsable, un outil mis en place par la Fédération pour s’auto-évaluer facilement sur quatre critères : préservation de l’environnement, employeur responsable, loyauté des pratiques et éthique des affaires, ancrage local et dynamique territoriale. Ensuite, l’offre d’accompagnement Constructys* envoie un consultant dans l’entreprise pour aider à structurer les actions à mener. Cela permet de se faire peu à peu une idée du label qui nous correspond. D’autant plus que les accompagnants connaissent les labels et leurs spécificités. Il faut néanmoins toujours veiller à ne pas se faire embarquer dans un label qui ne nous ressemble pas vraiment ! Un bon consultant ne fera pas cette erreur.
B.I. C’est un long parcours…
C.G. Oui ! Cela va prendre du temps et de l’énergie à l’instant T mais apporte une vraie stratégie de développement en phase avec ses besoins et qui permet d’identifier les diverses parties prenantes structurant le mode de fonctionnement de l’entreprise. Car on peut vite y consacrer beaucoup de temps et parfois faire du hors-piste avec de fausses bonnes idées ou des points qui ne sont pas forcément prioritaires. Se lancer consciencieusement en RSE se prépare. Il faut connaître son écosystème.
B.I. Est-ce désormais un outil pour pouvoir répondre à certains appels d’offres ?
C.G. Bien sûr ! C’est de plus en plus demandé. Qu’il s’agisse de marchés publics ou privés, cela fait partie des critères. Au-delà, cela touche directement à l’attractivité de l'entreprise. C’est un moyen pour attirer et éviter le turnover. Les salariés sont de plus en plus intéressés par ces sujets.
B.I. Quels sont les critères à prendre en compte ?
C.G. C’est en grande partie basé sur les objectifs de développement durable. On retrouve tout l’aspect environnemental : l’eau, les ressources naturelles, les ressources de matière, les REP, les moyens de locomotion.
Il y a également la partie employeur responsable, c’est-à-dire la qualité de vie, les ressources humaines et bien sûr le volet prévention.
Ensuite, il faut prendre en compte l’ancrage territorial. Comment vous vivez sur votre territoire, quelles sont vos interactions, comment vous fonctionnez. Il peut s’agir d’associations, de marchés locaux… Quatrième point : la loyauté des pratiques, en lien direct avec la loi, comme la gouvernance ou les délais de paiement. Là nous sommes plus sur un aspect normatif.
Concrètement, tous les critères se mêlent les uns aux autres et sont en cohérence. Une RSE responsable et efficace c’est un équilibre entre tout cela. On ne peut pas faire de l’ancrage territorial mais ne pas payer ses fournisseurs. Il y a une notion de curseur. Il y aura des domaines où, au début de votre parcours, vous êtes déjà très engagés et d’autres beaucoup moins. La labellisation permet de pousser le curseur en fonction des besoins d’amélioration.
B.I. Que se passe-t-il une fois que l’on est labellisé ?
C.G. Il y a un suivi. Par exemple, l’Afnor organise deux jours et demi d’évaluation in situ afin de rencontrer l’écosystème de l’entreprise : les clients, les salariés, la gouvernance, le commercial, l’administratif, les ressources humaines, la production… Il y a par la suite un rapport qui est établi et une seconde évaluation 18 mois plus tard.
B.I. Cela représente un travail énorme…
C.G. Oui. C’est pour cela que pour mon entreprise, La Fenêtrière, j’ai fait le choix d’employer une alternante en développement durable. Nous travaillons ensemble sur tout ce qui est hygiène, sécurité, prévention, environnement… Nous abordons tous les volets de la RSE. Elle nous permet de structurer toutes ces actions. Certes c’est un coût – 1 000 euros, dont 500 pris en charges – mais pour être labellisé, il faut se donner les moyens. Ce serait dommage de contacter Bâtisseurs responsable, de mettre au clair ses engagements, de créer un plan d’actions mais de s’arrêter là.
B.I. La labellisation se généralise-t-elle ?
C.G. Cela s’améliore mais il n’y a pas encore assez d’entreprises labellisées. De plus en plus de structures se sensibilisent, travaillent dessus, se posent des questions. Mais dès qu’il y a une difficulté, la motivation s’amenuise. On le voit en ce moment, où le bâtiment n’est pas en grande forme. Les entreprises préfèrent conserver leur énergie pour les affaires. Nous devons leur faire comprendre que certes ils vont y passer du temps mais qu’au final les retombées seront positives. D’autant plus que l’on sait qu’avec une situation tendue comme celle que nous connaissons aujourd’hui, les clients se tourneront plus facilement vers des entreprises avec des références. Le label est comme une référence métier Qualibat, ce n’est pas qu’une image de marque ou pour répondre à un appel d’offres.
B.I. Quel est pour vous le « plus » de la RSE ?
C.G. Elle permet de se faire plaisir. C’est une chose que l’on oublie souvent dans nos métiers, toujours orientés « business ». La RSE est une approche différente de la rentabilité. On parle de plus en plus de la santé du dirigeant, de sa charge mentale. Et bien c’est un moyen de vivre autrement son entreprise… Souvent, pour les dirigeants, le bilan se limite au bilan comptable. Avec le RSE, on s’ouvre vers d’autres perspectives avec des initiatives en lien avec ses salariés, l’environnement, la biodiversité… Bien sûr tout le monde ne sera pas d’accord avec cela, mais pour moi ce n’est pas négligeable.